Skip links

10 février, 2025

Lâcher-prise : un équilibre bénéfique pour la santé !

“Lâche prise”. À force d’être répétée, cette expression est à présent perçue comme un impératif.
Le concept de « lâcher prise » est souvent présenté comme un conseil donné par un ami ou un proche, constituant ainsi une forme d’injonction paradoxale. En effet, depuis notre plus tendre enfance, nous entendons inlassablement : « ne lâche rien ! » Serre les dents ! tiens bon ! quand on veut on peut…! Toutes ces brèves injonctions qui nous demandent de nous maîtriser, de réprimer, de sublimer nos pulsions, de devenir des adultes responsables.
Finalement, nous nous épuisons et il devient nécessaire de mettre un terme à cette situation en nous délestant de certains poids. Nous sommes constamment sous pression, hyperconnectés, surinformés et surinvestis, que ce soit dans le cadre professionnel, amoureux ou familial.

État des lieux

Quelle prise doit-on lâcher ?  Lâcher complètement ? Dans quel ordre devons-nous procéder ? De quelle manière cela pourrait-il se produire ?
Essayons tout d’abord de définir la notion de lâcher-prise. Selon de nombreux psychiatres, le lâcher-prise est considéré comme un élément essentiel de l’équilibre, représentant un moment de récupération et de reconstruction de nos ressources pour contrebalancer les périodes passées sous l’emprise de l’hypercontrôle et du stress. Il s’agit de la capacité à se détacher de ses pensées, émotions ou situations perturbantes, ce qui favorise le rétablissement d’un équilibre intérieur et une vie plus sereine.
Le stress chronique et le besoin constant de contrôle excessif sont des éléments contribuant à une détérioration de l’état de santé. La fatigue, l’insomnie, les douleurs chroniques, les troubles émotionnels, les problèmes de concentration et la dépression sont autant de symptômes associés à la surcharge de travail caractéristique de cette forme de maltraitance contemporaine. La prédominance du travail dans notre quotidien, l’impératif de tout organiser, de tout contrôler, nous conduit invariablement vers une quête de maîtrise, renforcée par une obstination croissante lorsque nous sommes épuisés.

Hyper connexion, surinformation, sur investissement
Hyper connexion, surinformation, sur investissement

Une suggestion, pas une injonction

La capacité de lâcher prise en question ne s’applique pas de manière uniforme à tous, car elle requiert une disposition à assumer les risques impliqués et surtout à faire face à l’incertitude. L’incertitude et l’imprévu sont des facteurs qui contribuent significativement à l’anxiété. Il s’agit en réalité d’avoir le courage de se permettre d’accueillir la nouveauté et l’imprévu. Cela offre l’opportunité d’explorer des aspects de sa propre personnalité encore inconnus et d’améliorer son bien-être personnel. Le concept de lâcher-prise incite à se libérer des préoccupations excessives, des pensées négatives et des circonstances échappant à notre contrôle. Chaque individu avance à son propre rythme, en fonction de ses priorités et des domaines qui requièrent une attention immédiate.
Lâcher prise ne signifie pas abandonner, mais plutôt se détacher et se libérer des chaines qui nous retiennent. Il est essentiel de se détacher des éléments immuables, que ce soit en lien avec nos relations, nos attentes, nos regrets ou nos peurs. Il ne s’agit pas d’une attitude passive laxiste, mais plutôt d’une approche alternative qui implique d’agir, d’exister dans le monde, de coopérer plutôt que de s’opposer systématiquement.
Il est essentiel de ne pas négliger les contraintes de la réalité, car il est nécessaire pour chacun de maintenir le contrôle dans diverses situations. Il est nécessaire de pouvoir prendre du recul afin de déterminer le moment opportun, la mesure adéquate et le rythme approprié entre le Lâcher et la prise.
Cela nécessite de prendre conscience de nos limites, d’accepter l’incertitude et de cultiver une attitude de confiance envers la vie.

“Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre”

Écrivait Marc Aurèle l’empereur philosophe au deuxième siècle dans notre ère.

Échapper à la souffrance

Quelles sont les raisons pour lesquelles s’accroche-t-on ?  Ce quelque chose qui nous retient, souvent de manière inconsciente, est tributaire de notre vécu personnel. Ce qui est en jeu, c’est principalement le sentiment de danger réel ou supposé que sous-entend le lâcher-prise. Nous souhaitons échapper à la souffrance. Lorsque nous ressentons une menace, il devient impératif de ne pas rester passif ou indifférent. Ce réflexe de survie demeure intense même face à des dangers qui pourraient être perçus comme moins réels. Dans de telles situations, le fait de choisir l’inaction, le silence ou l’immobilité, revient à prendre un risque existentiel.
Le processus de lâcher prise est une réponse à des angoisses inconscientes.
Nous nous efforçons alors, à nos dépens et en vain, de nous adapter à des situations dénuées de sens, qui nous dépassent et nous causent de la souffrance. Nous acquérons ainsi un sentiment de sécurité face à l’incertitude, l’imprévisible.
Notre obstination se manifeste par une habitude inconsciente à réagir face à tout stimulus interne désagréable, qu’il soit d’ordre émotionnel, cognitif ou sensoriel. Rester fort implique de maintenir l’espoir de prévenir les situations les plus défavorables, même si la posture est aussi douloureuse. Il s’agit de maintenir une attitude ou une connexion afin de prévenir tout jugement ou rejet.
Il convient de rappeler que cette directive repose sur un discours paradoxal. En effet, dès le plus jeune âge, on nous enseigne à maîtriser diverses actions, allant des plus élémentaires comme nos gestes (par exemple, pour apprendre à écrire avec nos doigts) et nos pensées (pour développer notre réflexion), jusqu’aux plus complexes comme nos émotions (pour favoriser les relations interpersonnelles).

Trouver le bon équilibre

Les conséquences du non lâcher prise sont elles véritablement préjudiciables ? Dans certaines circonstances, oui.
La persistance dans nos efforts vise principalement à maintenir une image impeccable en accord avec notre mission et les attentes supposées du monde extérieur. Il est même gratifiant de mener cette tâche à bien, même si cela implique de payer le prix, par loyauté et esprit de sacrifice. Ne pas lâcher prise a donc une intention positive, cela nous procure divers bénéfices secondaires, tels que nous apaiser et nous donner un sentiment d’exister.
Au lieu de l’imposer de manière arbitraire, il convient d’établir des conditions de sécurité favorisant le lâcher prise. L’idée est de délibérément opter pour l’expérience parfois inconfortable de la peur, avec un objectif plus approprié à nos valeurs, nos aspirations et nos objectifs. Il nous incombe de déterminer la combinaison adéquate entre persévérance et lâcher prise afin d’atteindre un équilibre authentique, lequel est tributaire de notre expérience et de notre situation. Trouver cet équilibre peut s’avérer difficile lorsqu’on est submergé par les exigences de la vie quotidienne, recourir à un accompagnement professionnel pourrait nous permettre d’atteindre cet objectif.
Peu importe l’approche adoptée, la question de la sécurité demeure centrale. Révéler nos pensées les plus profondes nécessite un environnement de confiance établi sur un cadre solide, où la personne qui écoute nos préoccupations le fait sans porter de jugement. C’est grâce à cet espace-temps et cette relation de confiance que nous parvenons à surmonter nos obstacles, nos croyances et nos craintes.

Les références :

Philippe Minier et Valerie Blanco exercent en tant que psychanalyste.
Jean Louis Monetès exerce en tant que psychothérapeute et occupe
égalementun poste d’enseignant chercheur en psychologie.

Partager

à propos d’auteur

Sonia Ayed
Experte en Qualité relationnelle